Retour sur les Canal d’or 2019 (premier épisode)
Par
Francis Fogué Kuaté
Je me propose ici de revenir sur les Canal d’Or 2019 à travers trois épisodes qui vont porter sur (1) les innovations majeures ; (2) l’impact politique de l’événement et (3) la valorisation du talent des artistes anglophones. Ces différents épisodes s’inspirent d’un article que j’ai récemment publié dans le journal Mutations du Mardi 20 mars 2019 (page 10).
Episode 1: Quelques faits majeurs en termes d'innovations
Depuis 2005, la chaîne de télévision privée Canal2[1] promeut la culture à travers les Canal d’Or, qui constituent désormais l’un des événements culturels et médiatiques majeurs au Cameroun ainsi que dans la sous-région Afrique centrale. Inspirée de grands événements internationaux tels que les Oscars, cette initiative récompense les artistes qui, de par leur talent, ont marqué la vie culturelle au cours d’une période donnée. Initialement organisée sur une base annuelle, la cérémonie a par la suite adopté un caractère biennal à partir de 2013, qui correspond par ailleurs à la délocalisation de l’événement de Douala pour Yaoundé. Au-delà de cette innovation programmatique, l’événement a connu une évolution marquée par son ouverture à l’international lors de la 10ème édition en 2015. C’est ainsi que les catégories révélation Afrique centrale et meilleur artiste ou groupe musical en Afrique ont fait leur apparition. Cette 10ème édition, a également vu la toute première participation de la Première Dame du Cameroun à cet événement. Laquelle participation a contribué à rehausser l’image des Canal d’Or en leur attribuant un caractère officiel/institutionnel. Tout comme les 11 éditions précédentes, la 12ème livraison des Canal d’Or a donné lieu à un certaines innovations.
Canal d’Or acte 12 : entre l’introduction de nouvelles catégories et la participation d’autres médias
En plus des catégories habituelles, de nouvelles récompenses orientées vers l’univers cybernétique ont été intégrées eu égard à la place qu’occupent désormais les plateformes web dans la production et la distribution des œuvres artistiques. A côté des 19 catégories qui ont été primées, la cérémonie a été ponctuée par des prestations musicales d’envergure à l’instar de celle de Roga Roga du groupe Extra Musica, qui a maintenu le millier d’invités du palais des congrès en haleine pendant plusieurs minutes. Ces prestations musicales visant à promouvoir la culture ont été agrémentées par des effets spéciaux et des jeux de lumières caractéristiques de grandes scènes de spectacle. Les artistes ont ainsi eu l’occasion de faire étalage de leur savoir-faire. Et après que « ça a déjà commencé », même ceux d’entre eux, dont le talent semble remis en cause, ont eu l’opportunité de prester afin de divertir les masses populaires. Malheureusement, les téléspectateurs de Canal2 international et de LTM, ainsi que les auditeurs de certaines radios partenaires de cette 12ème édition, n’ont pas eu le loisir de déguster ce bouillon culturel de bout en bout, du fait de multiples coupures inhabituelles du signal. C’est l’occasion ici de relever que l’une des particularités de cette édition des Canal d’Or, en termes de promotion culturelle, se rapporte à la collaboration d’autres médias dans sa préparation et sa diffusion. En dépit du caractère télévisuel des Canal d’Or, qui sont avant tout une émission de télévision, des radios partenaires ont retransmis l’événement à l’endroit des auditeurs. Dans un contexte où la radio est de plus en plus rependue en raison de son accessibilité même sur les téléphones portables, cette diversification des supports de transmission traduit une volonté de populariser l’événement en élargissant son spectre de diffusion. Il s’agit là d’une stratégie qui consiste à susciter l’intérêt d’un maximum de population, non seulement pour la promotion de la culture, mais aussi l’augmentation des parts de marché publicitaire. Il ne saurait avoir des Canal d’Or sans moyens financiers.
L’ouverture des Canal d’Or aux séries de télévisions concurrentes
L’ouverture de cet événement à d’autres médias ne s’est pas limitée à sa retransmission. L’acte 12 des Canal d’Or restera dans l’histoire comme l’édition qui, pour la première fois, a récompensé des acteurs évoluant dans des séries autres que celles diffusées sur Canal2. Jusqu’ici, seuls les séries et acteurs de séries diffusées par cette chaîne étaient mis en compétition. Mais cette année, la série Bad Angel diffusée par la CRTV a été mise en compétition et a remporté les prestigieux prix de meilleure série télévisée et meilleure comédienne avec Syndy Emade. L’annonce de ces résultats qui ne correspondaient pas au vote des téléspectateurs a donné lieu à une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux. Plusieurs commentaires postés traduisaient une surprise s’adossant sur deux paramètres. D’une part, les téléspectateurs de Canal2, qui ont majoritairement voté à travers les réseaux sociaux, ont une méconnaissance totale de cette série diffusée par la chaîne nationale. D’autre part, comment comprendre que dans un contexte de concurrence, la télévision Canal2 promeuve une série diffusée par une chaîne concurrente. Pourquoi impliquer et récompenser des séries concurrentes ? Est-ce à dire que les séries diffusées par Canal 2 et leurs acteurs sont moins compétitifs sur le marché télévisuel ? Il s’agit là d’une étonnante réalité que je me propose d’analyse dans le second volet de cette série.
Entretien exclusif de Tibor Nagy sur Canal2: Entre parole et symboles
Sur le fond: quelques déclarations fortes
Sur la forme: Une traduction approximative dans un somptueux décor
Médias et vivre ensemble au Cameroun : quelques éléments d’analyse
Par
Francis Fogué Kuaté
Depuis plusieurs mois, la sphère médiatique camerounaise est saturée de contenus relatifs au tribalisme et à la problématique du vivre ensemble. La plupart des journaux et des débats télévisés proposent quotidiennement des reportages et des échanges portant sur cette problématique. Tout cela permet de prendre conscience de l’importance du problème, à un moment où le pays se trouve à la croisée des chemins à travers son engluement dans plusieurs batailles ayant pour fondements l’identité et l’appartenance ethnique. Cependant, contrairement à l’impression véhiculée par les médias, l’élection présidentielle d’Octobre 2018 n’a fait qu’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire du tribalisme au « Cameroun Berceau de nos Ancêtres ».
Un rappel historique
Dans le Cameroun oriental, la vie politique du Nord-Cameroun était déjà marquée du sceau des discriminations et exclusions liées à l’identité et à l’appartenance, bien même avant l’indépendance. Les Peul et d’autres ethnies gagnées à l’Islam y exerçaient une hégémonie sur les communautés non-musulmanes -plus connues sous le terme générique de Kirdi- pourtant majoritaires d’un point de vue démographique.[1] Depuis le Djihad du 19e siècle, les Peul y ont développé une volonté de puissance et de domination.[2] Cette volonté a bénéficié du concours des administrations coloniales allemande (1898-1915) et française (1915-1960) qui, compte tenu de leur « politique musulmane » respective[3], ont utilisé les lamibés comme leurs principaux interlocuteurs et intermédiaires. Ce faisant, c’est l’hégémonie Islamo-peule qui se trouvait renforcée. Dans le sillage de la naissance de l’Etat camerounais, la désignation d’un Peul comme Premier Ministre (1958) et Chef de l’Etat (1960), a contribué à maintenir ce rapport de force qui a eu cours au Nord-Cameroun jusqu’en 1982. Il a fallu l’arrivée du Président Paul Biya pour assister à une redistribution des cartes à travers ce que Ibrahim Mouiche appelle un « contre-projet Kirdi » visant à émanciper les Kirdi.[4] Les médias ont été au cœur de ce contre-projet tel que je le démontre dans ma thèse de doctorat[5], ainsi que dans une étude sur l’économie politique de la presse écrite au Nord-Cameroun.[6]
La même réalité a été observée au Cameroun occidental où des rivalités à connotation ethniques ont été observées, précisément dans la région de « Bamenda Grassfields » tel que décrit par Tangie Evelyn Ngengong[7] ; ainsi que dans le Sud-ouest, notamment entre les populations locales et les Grassfielders originaires du Nord-ouest[8]. Au cours des années 1960, la localité de Tombel a fait parler d’elle à travers des conflits ethniques que Piet Konings a documenté sous l’appellation de « Tombel disturbances »[9].
Ce bref rappel historique vise à indiquer, pour le déplorer, que les clivages sur fond d’arguments ethniques ne sont pas un phénomène nouveau au Cameroun. Elles ont d’ailleurs été au centre du débat politique lors de l’ouverture des « questions démocratiques ». L’une des conséquences du processus de démocratisation dans ce chapitre a été la multiplication des associations ethno-tribales destinées à promouvoir et à préserver les intérêts communautaires. Ces associations ont contribué à renforcer les replis identitaires et la profusion des memoranda qui a suivi, ne pouvait être que la suite logique d’une telle démarche privilégiant l’intérêt communautaire au détriment de l’intérêt national.
Le contexte actuel : le rôle déterminant des médias face à la démocratisation de la parole et la domination des réseaux sociaux
Depuis l’élection présidentielle de 2018, les débats politiques proposés par les médias font référence au tribalisme qui semble avoir été érigé en ressource politique opérationnelle destinée à abattre des adversaires politiques. Le discours ethnique et tribal a gagné en intensité du fait de la démocratisation de la parole induite par la liberté d’expression et la diversification du paysage médiatique. Aujourd’hui les gens disent publiquement ce qu’ils ont eu à penser hier dans leurs chaumières et qu’ils ne pouvaient exprimer sur la place publique. A cela se greffe un élément très important qui est la profusion des réseaux sociaux. Plus que les médias traditionnels que sont la radio, la télévision et la presse écrite, les réseaux sociaux sont les principaux supports, agents et vecteurs des discours de haine proférés çà et là. L’activisme des brigades dites « anti-sardinards » et « anti-tontinards » sont l’illustration parfaite de cette réalité assez néfaste pour l’unité du Cameroun. La rapidité et l’instantanéité des réseaux sociaux leur confèrent une capacité de nuisance dans un environnement où les journalistes des médias traditionnels ont de plus en plus tendance à relayer les informations qu’ils y puisent. En effet, la diffusion, par les médias traditionnels, des « incidental news » trouvées à tout hasard dans leurs comptes WhatsApp, Facebook ou Twitter, augmente cette capacité de nuisance d’autant plus que leur publication n’est pas toujours précédée d’une vérification préalable.
Quelques faits récemment observés dans les médias
En date du dimanche 17 février 2019, le présentateur du programme Club d’élites diffusé par Vision4 a présenté une vidéo supposée démontrer, preuve à l’appui, le caractère ethno-fasciste, des membres d’un groupe socio-anthropologique connu sous le nom de Bamiléké et considéré, à tort, comme une ethnie. La vidéo qui aurait été prise dans un service administratif en Belgique, met en scène un homme qui déclare appartenir à ce groupe taxé d’ethno-fascisme et qui semblerait vouloir se procurer d’une arme afin d’en découvre avec des personnes -originaires d’un groupe ethnique- qui auraient assassiné des membres de sa famille au Cameroun. J’ai été personnellement intrigué par trois choses : Premièrement, la vidéo qui dure environ 02 minutes, a été diffusée à la fin de l’émission. Ce qui ne pouvait donner lieu à aucun commentaire sérieux. Deuxièmement, parmi les cinq panélistes présents, seul l’universitaire du plateau, a été invité à dire un mot sur la vidéo, alors que juste après la diffusion de celle-ci, la parole avait d’abord été donnée à un juriste pour parler d’autre chose et non de la vidéo. Troisièmement, le caractère lapidaire et sentencieux du commentaire de la vidéo était plutôt ahurissant eu égard au statut de son auteur. Ces trois éléments mis ensemble m’ont interpellé et m’ont emmené à reconsidérer la vidéo. L’analyse d’un document audiovisuel est un exercice scientifique qui commande la prise en compte de certains éléments dans la mesure où n’importe qui peut filmer n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand et faire dire tout ce qu’il veut à la vidéo à travers le principe de la mise en scène. Parmi ces éléments d’analyse figurent : l’identité du réalisateur et des protagonistes, l’attitude de ces derniers, le décor et le contenu du discours produit. Dans un cours d’introduction à l’analyse de l’image dispensé en 2014 au centre de formation professionnelle technique de Genève, l’enseignant invite ses étudiants à « Pensez à toutes les manipulations possibles d’une image en fonction du message que l’on veut transmettre, du contexte dans lequel elle va être utilisée, du commentaire qui va l’accompagner, … »
En fonction de l’angle de la prise de vue de cette vidéo, tout porte à croire qu’elle a été prise par une des agents du supposé service où le monsieur s’était rendu pour solliciter une arme. Cette observation relative à l’angle de la prise de vue a suscité en moi une série de questions à savoir : (1) quel intérêt la dame auteure de la vidéo et qui pose des questions au monsieur avait-elle à utiliser son téléphone pour filmer la scène, d’autant plus qu’elle donne, par la suite, l’impression de ne rien savoir du Cameroun ? (2) quel est ce service belge, où les agents, plutôt que de servir les usagers, se plaisent à les prendre en vidéo ? (3) qu’est ce qui peut justifier l’humour et le caractère décontracté qui caractérisent autant ces supposées employés belges que leur supposé usager ? Ce sont là quelques questions que le commentateur de cette vidéo aurait dû prendre en considération.
Quelques jours plus tard, le mardi 19 février 2019, l’un des invités de l’émission Cartes sur Table diffusée par Stv, accusait et stigmatisait les « populations originaires de l’ouest » en s’appuyant sur la composition des listes proposées par certains partis de l’opposition à Douala 5, lors des municipales de 2013. N’eût été la vigilance du présentateur de l’émission, cet invité -par ailleurs homme politique- se serait volontiers prêté à la lecture des noms des membres de cette liste. La thèse qu’il semblait vouloir défendre était que la forte représentativité des « personnes originaires de l’ouest » dans ces listes traduisait le caractère tribal de ces partis. Cet argumentaire, qui visait manifestement à satisfaire des intérêts politiques, a été déconstruit, sur la base d’éléments objectifs, par un co-panélistes qui, usant de sa qualité de sociologue, a relevé que ladite argumentation ignorait superbement les données sociologiques de Douala 5 où ces listes étaient en lice, ainsi que des paramètres relatifs à la conquête de l’électorat en temps d’élection.
Le lendemain, 20 février 2019, c’était au tour de la télévision Equinoxe, d’offrir un débat houleux sur la question du tribalisme à travers le programme 237 le débat intitulé : « comment sortir de l’implosion », parlant bien sûr de la dérive ethnique en cours. Alors que le présentateur avait espéré que ses invités lui proposent des solutions, tel que cela transparaît du titre donné au débat, deux des trois panélistes lui ont plutôt servi un échange explosif. En dépit des efforts consentis par ces deux universitaires pour contenir leur tribalité, celle-ci a tôt fait de s’inviter dans leur prise de parole. C’est ainsi que pendant que l’un semblait défendre sa communauté, l’autre, invoquant l’exemple d’un monsieur qui aurait voulu frauduleusement s’accaparer d’un terrain, estimait que les membres de cette communauté sont « des gloutons de la propriété foncière ». Le débat entre ces deux universitaires a été l’illustration parfaite du caractère passionné des oppositions sur l’ethnisme dans le Cameroun actuel. Toutefois, ce débat a connu un dénouement relativement apaisé après que l’anthropologue a déconstruit la notion de Bamiléké dans l’optique de démontrer qu’il existe une « consanguinité » entre plusieurs composantes socio-ethniques du Cameroun. Chose qu’a approuvé et apprécié le philosophe.
Mon intention ici n’est pas de redonner vie à ces différents débats, mais de questionner l’intérêt d’une démarche qui consiste à stigmatiser toute une communauté alors que se pose avec acuité la problématique du vivre ensemble. Quelle était l’opportunité pour Club d’élites de diffuser une vidéo comme celle-là, à un moment où la décrispation des passions devient une urgence ? Était-il nécessaire et opportun pour l’invité de l’émission Cartes sur table de porter des accusations aussi graves contre toute une communauté ? Les deux invités de 237 le débat ne pouvaient-ils pas réussir le pari de déconsidérer l’altérité dans leurs échanges ?
Pour Sortir…
Quoiqu’il en soit, ne pouvant pas répondre à ces questions, je préfère terminer cette analyse en faisant remarquer qu’aucune communauté humaine ne peut se prévaloir ou se voir attribuer le monopole d’une réalité ou d’une pratique sociétale. Les expériences vécues sous d’autres cieux devraient donc parler aux médias camerounais ainsi qu’à leurs protagonistes. Beaucoup de camerounais croient en ce que disent les médias surtout lorsque cela correspond à leur vision des choses. Les médias devraient donc prendre conscience des enjeux inhérents à leurs activités. Je me permets également d’interpeller le Conseil National de la communication (CNC), afin que des mesures puissent être envisagées dans le sens d’inciter les entreprises médiatiques -publiques comme privées- à procéder à une diversification de leur personnel et de leurs contenus. Dans un pays qui prône le vivre ensemble et l’équilibre régional, il est en effet curieux de constater que certaines composantes de la mosaïque nationale soient absentes de certains médias en termes de contenus proposés, de journalistes et même d’invités pour des programmes de grande audience. Ce genre de pratiques qui traduisent une exclusion ne sont pas de nature à favoriser le vivre ensemble et encore moins à consolider l’unité nationale qui nous est chère à tous.
[1] A. Socpa, 1999, « L’hégémonie ethnique cyclique au Nord-Cameroun », Afrique Développement, vol. XXIV, n°1&2, pp.57-81.
[2] Voir M-Z. Njeuma, 1978, Fulani Hegemony in Yola (Old Adamawa): 1809-1902, Yaoundé, CEPER; T.M. Bah, 1993, « Le facteur peul et les relations inter-ethniques dans l’Adamaoua au XXe siècle », in J. Boutrais, (ed.), Peuples et cultures de l’Adamaoua (Cameroun), Paris/Ngaoundéré, ORSTOM/Ngaoundéré Anthropos, pp.31-49.
[3] Voir les travaux de Daniel Abwa, Albert P. Temgoua et Gilbet Taguem Fah.
[4] Mouiche, Ibrahim, 2000, « Ethnicité et multipartisme au Nord-Cameroun », African Journal of Political science, vol.5, N°1, pp.46-91.
[5] F. A. Fogué Kuaté, 2017, “Médias et coexistence entre Musulmans et Chrétiens au Nord-Cameroun: de la période coloniale française au début du XXIème siècle”, Thèse de Doctorat/PhD, Université de Utrecht (Pays Bas).
[6]F. A. Fogué Kuaté, 2015, « Economie politique de la presse écrite au Nord-Cameroun postcolonial », Studia Politica, Revue roumaine de science politique, Vol. XV, n°2, pp.265-287.
[7] E. Tangie Ngengong, 2007, « From Friends to enemies : Inter-ethnic conflict amongst the Tikars of the Bamenda Grassfields (North Wesst province of Cameroon) C. 1950-1998 », Masters Thesis in Peace and Conflict transformations, University of Tromsø.
[8] W. Nkwi, 2017, « Migration and Identity in Southwest region of Cameroon : the Graffie factor, c.1930s-1996 », Brazilian Journal of African Studies, vol.2, n°3, pp.131-148.
[9] P. Konings, 2008, « Autochtony and Ethnic cleansing in the Post-colony : the 1966 Tombel Disturbances in Cameroon », International Journal of African Historical Studies, vol. 41, n°2, pp.203-222.
Le Politique, le Juriste et le Ministre : De la multidimensionnalité de l'acteur politique
Par
Francis Fogue Kuate
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l’idée de cette réflexion découle des opinions exprimées lors des débats télévisés relatifs à deux événements ayant marqué l’actualité entre janvier et février 2019. Il s’agit, d’une part, de la marche illégale organisée le 26 janvier 2019 par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), parti de Maurice Kamto, et d’autre part, la première sortie médiatique Me Jean De Dieu Momo sur la télévision d’Etat, depuis sa nomination au poste de Ministre Délégué.
L’analyse de ces deux faits d’actualité par les médias a laissé transparaitre de nombreuses lacunes en ce qui concerne la multidimensionnalité de l’acteur en politique. La notion de multidimensionnalité renvoie au caractère pluriel de l’identité personnelle de l’acteur politique. D’après Richard Banegas (1993), cette multidemensionnalité est liée à ce qu’il appelle « la multipositionnalité des acteurs dans divers secteurs sociaux [et] se forge à travers la multiplicité des rôles, des registres qui s’offrent à eux ». En tant que construit, l’identité de l’acteur politique ne saurait être saisie en excluant ou en privilégiant un des aspects de sa personnalité. Cette dernière est le fruit de la mise en commun de micros identités ayant concouru à la façonner. Il devient dès lors difficile de questionner et de comprendre les actions et les propos d’un acteur politique uniquement à l’aune de l’une de ses micros identités qui ne peuvent être dissociées du fait de leur enchevêtrement. Telle est la thèse que soutient cette analyse.
[...]
En conclusion, toute analyse élaborée sur un acteur politique en privilégiant un aspect de sa personnalité au détriment des autres, ne serait que parcellaire et biaisée. Une meilleure compréhension des actions d'un acteur politique devrait privilégier une approche holistique en considérant tous les aspects et toutes les facettes de sa personnalité. Les exemples utilisés dans cette réflexion et inspirés de l'actualité politique du Cameroun ont permis de constater que le moi politique est l'agrégat d'une pluralité de "mois" difficilement saisissables séparément.
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Références
Arendt Hannah, 1995, Qu’est-ce que le politique ? Paris, Editions du Seuil (Texte établi par Ursula Ludz).
Banegas, Richard, 1993, « Les transitions démocratiques : mobilisations collectives et fluidité politique », Cultures & Conflits, (4)12, [en ligne] : http://journals.openedition.org/conflits/443 consulté en février 2019.
Bayart Jean-François, 1981, « Le politique par le bas en Afrique noire : question de méthode »,Politique africaine, n°1, pp.53-82.
De Jouvenel Bertrand, 1952, « L’essence de la politique », Revue française de Science politique, n°4, pp. 641-652.
Lüdtke Alf, 2015, « La domination comme pratique sociale », Sociétés contemporaines, n°99-100, pp.17-63.
Rancière, Jacques, 1997, « Onze thèses sur la politique », Filozofski Vestnik, XVIII (2), pp. 91-106.
Rocher, Guy, 1986, « Droit, Pouvoir et domination », Sociologie et société 18(1), pp.33-46.
Taguem Fah, Gilbert, 2001, « « Questions démocratiques, créativité artistique et modes politiques clandestins », Taguem Fah (ed), Cameroun 2001, L’Harmattan, Paris, 2001, pp. 5-32.